Ce soir à 20h55, Arte diffusera la série documentaire inédite « Oligarques : le gang de Poutine ».
En Russie, une poignée d’hommes d’affaires contrôlent le pétrole et le gaz. Plongeant dans le monde des oligarques, cette investigation magistrale en trois volets décrypte les rouages d’un système implacable au service des ambitions expansionnistes de Vladimir Poutine.
Main basse sur le pétrole
Après la chute de l'URSS, le passage à l'économie de marché ouvre les portes de la gloire à des entrepreneurs inconnus. Profitant du vaste programme de privatisation du président Boris Eltsine, ceux que l'on appelle les "sept banquiers", sous la houlette du "parrain du Kremlin" Boris Berezovski, se jettent sur le capital russe. Inquiets à la perspective d'un retour au pouvoir des communistes lors de l'élection présidentielle de 1996, ces oligarques, tels Roman Abramovitch, Mikhaïl Fridman, Piotr Aven et Mikhaïl Khodorkovski, participent au financement de la campagne victorieuse de Boris Eltsine en échange de l'acquisition d'actifs pétroliers. Une fois l'or noir en leur possession, les désormais milliardaires contrôlent de facto le Kremlin. En 2000, soucieux de continuer à tirer les ficelles, ils se tournent, pour remplacer un Eltsine malade à la tête du pays, vers un ancien agent du KGB : Vladimir Poutine. Mais le directeur du désormais FSB, entouré de fidèles alliés, "le gang de Saint-Pétersbourg", souhaite installer son clan au sommet de l'industrie du gaz et du pétrole.
La conquête de l’ouest
Investi président le 7 mai 2000, Poutine lance les hostilités entre sa garde rapprochée et les oligarques historiques. Il réunit ces derniers dans la datcha de Staline pour leur faire passer un message : le ralliement ou la disgrâce. Ceux qui lui restent fidèles, comme Abramovitch ou Fridman, sont récompensés, tandis que les réfractaires paient le prix fort. Condamné pour évasion fiscale, Khodorkovski est emprisonné quand Berezovski n'a d'autre choix que l'exil. Pour restaurer la grandeur de la Russie, Poutine projette d’asservir l'Europe à travers l'arme énergétique. Il place ainsi ses proches à la tête du secteur : Alexeï Miller se voit confier la direction du groupe étatique Gazprom, Igor Setchine prend les commandes de l'entreprise pétrolière Rosneft et Guennadi Timtchenko est chargé d'exporter l'or noir via la société Gunvor. Quant aux oligarques historiques, ils se lancent à la conquête de l'Europe de l'Ouest : incarnant le nouveau soft power russe, ils investissent massivement au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, et influencent les élites. Alors que les pétrodollars déferlent sur la City de Londres, le projet Nord Stream, un gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne en contournant l'Ukraine, scelle le pacte énergétique entre Moscou et l'Union européenne. En 2014, lorsque la Crimée est annexée, l'Europe, dépendante du gaz russe, est prise au piège.
Au service de la guerre
Quand en 2014 Poutine envahit la Crimée, les Européens, dépendants des hydrocarbures russes, ne peuvent suivre en bloc les sanctions américaines. De nouveaux projets viennent accroître l'emprise de Moscou sur l'Europe. Le chantier d'un deuxième gazoduc, Nord Stream 2, doit permettre à l'Allemagne de doubler ses importations, tandis que la multinationale française Total, sous l'impulsion de son PDG Christophe de Margerie, noue le "contrat du siècle" avec Novatek – une société gazière appartenant à deux proches de Poutine, Guennadi Timtchenko et Leonid Mikhelson – en vue d'exploiter les gisements de la péninsule de Yamal, en Arctique. Mais lors de l'invasion de l'Ukraine, en février 2022, les Occidentaux font volte-face. Les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni imposent des sanctions contre les hommes d'affaires, les banques et les entreprises russes. Grâce à une flotte fantôme (des tankers clandestins) lui permettant d'écouler son or noir en Chine et en Inde notamment, Poutine parvient néanmoins à contourner ces mesures, engrangeant par le biais de ses nouveaux alliés des revenus exceptionnels à même de financer sa guerre. Devenus des parias à l'Ouest, les oligarques, eux, sont contraints de rentrer en Russie au plus près du maître du Kremlin.
23h45 – Alexeï Navalny : L'ennemi de Poutine (documentaire inédit)
Il était le plus célèbre des opposants à Vladimir Poutine, celui contre lequel le Kremlin n'a cessé de s'acharner : un an ou presque après la mort en prison d'Alexeï Navalny, le 16 février 2024, celles et ceux qui l'ont côtoyé au quotidien retracent le parcours contradictoire d'un combattant au courage exceptionnel.
Rescapé en août 2020 d'une tentative d'empoisonnement au Novitchok, le poison favori des services secrets russes, hospitalisé à Berlin, puis arrêté dès son retour à Moscou et condamné au total à dix-neuf ans de prison pour "extrémisme", Alexeï Navalny, 47 ans, était le seul opposant ayant su conquérir en Russie une véritable popularité depuis que Vladimir Poutine a pris le pouvoir, au premier jour de l'an 2000. Transféré en secret dans un camp de l'Arctique sous un régime particulièrement sévère, l'ancien avocat a continué d'appeler la Russie à la résistance jusqu'à sa mort, annoncée le 16 février 2024 par l'administration pénitentiaire. Mais au-delà de son impressionnant courage, qu'est-ce qui animait celui qui s'est peu à peu révélé comme un redoutable animal politique, puis comme un héros sacrificiel ? Militant prodémocratie n'ayant jamais vraiment renié son flirt xénophobe avec l'extrême droite nationaliste, au début de sa carrière, il a construit au fil du temps une puissante machine médiatique, grâce à laquelle sa dénonciation féroce de la dictature et de la corruption a fédéré des milliers, puis des millions de supporters. En 2013, sa campagne pour la mairie de Moscou lui permet de remporter 27 % des suffrages face au candidat du pouvoir, malgré la fraude. Après sa dénonciation de la guerre déclenchée en sous-main contre l'Ukraine, en 2014, sa tentative pour se présenter à la présidentielle, quatre ans plus tard, en fait définitivement l'homme à abattre pour le Kremlin.