Le Conseil d’État confirme la décision de l’Arcom d’écarter C8 et NRJ12 de la TNT gratuite, le 28 février prochain, après 20 ans d’antenne. Il s’agissait de l’ultime recours et c’est donc la fin d’un long feuilleton médiatique qui aura duré un an. Aucun miracle, espéré par certains, n’a eu lieu. L’Arcom a respecté la loi. Le Conseil d’État a suivi l’avis du rapporteur public, qui lors de l’audience du vendredi 14 février dernier avait balayé un à un les arguments des deux diffuseurs.
En février 2024, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a lancé un appel à candidatures pour réattribuer les fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT), dont les autorisations arrivaient à expiration en février 2025. Parmi les chaînes concernées figuraient C8 et NRJ12, qui ont soumis leurs dossiers pour le renouvellement de leurs fréquences. Après des auditions publiques en juillet 2024, l'Arcom a décidé de ne pas retenir ces deux chaînes, attribuant leurs fréquences à de nouveaux entrants, notamment Ouest-France TV et Réels TV.
La décision de l'Arcom concernant C8 s'appuyait sur plusieurs facteurs. La chaîne avait accumulé des sanctions totalisant plus de 7,6 millions d'euros, principalement en raison des dérapages de son animateur vedette, Cyril Hanouna, dans l'émission "Touche pas à mon poste !" (TPMP). De plus, l'Arcom a pointé du doigt un manque de diversité dans la programmation de C8, avec une prédominance de rediffusions et une absence d'engagements clairs pour améliorer la qualité des contenus.
Concernant NRJ12, l'Arcom a justifié sa décision par la faiblesse des audiences de la chaîne et une grille de programmes majoritairement composée de rediffusions, remettant en question sa viabilité économique. Malgré des tentatives de repositionnement et l'introduction de nouveaux programmes, NRJ12 n'a pas réussi à inverser la tendance à la baisse de son audience, ce qui a conduit le régulateur à ne pas renouveler sa fréquence.
Suite à ces décisions, C8 et NRJ12 ont saisi le Conseil d'État pour contester le non-renouvellement de leurs fréquences. Cependant, le 19 février 2025, le Conseil d'État a confirmé la décision de l'Arcom, entérinant ainsi la fin de la diffusion de ces deux chaînes sur la TNT à compter du 28 février 2025 à 23h59. Cette situation a provoqué diverses réactions politiques et médiatiques, certaines y voyant une atteinte à la liberté d'expression, tandis que d'autres saluaient une décision visant à renforcer la qualité et le pluralisme de l'offre télévisuelle française.
De plus, à partir du 6 juin 2025, la TNT française adoptera une nouvelle numérotation des chaînes, suite à l'arrêt de la diffusion de Canal+ sur la TNT. France 4 occupera désormais le canal 4, LCP prendra la place de C8 sur le canal 8, et Gulli remplacera NRJ12 sur le canal 12. Les chaînes d'information BFMTV, CNews, LCI et franceinfo seront regroupées sur les canaux 13 à 16. Deux nouvelles chaînes feront leur apparition : CMITV sur le canal 18 dès le 6 juin, et OFTV sur le canal 19 à partir du 1er septembre 2025. Les autres chaînes conserveront leur position actuelle.
Le communiqué officiel du Conseil d’État :
« Le Conseil d’État juge que l’Arcom n’a pas commis d’illégalité dans son analyse qui l’a amenée à écarter C8 et NRJ12, aussi bien dans l’appréciation qu’elle a portée sur chacun des dossiers que dans la comparaison de leurs mérites. Toutefois, compte tenu du fait que le groupe Canal+ a retiré sa candidature pour 4 chaînes payantes six jours avant la décision de l’Arcom, le Conseil d’État juge que le régulateur doit, sans délai, lancer une nouvelle procédure d’étude d’impact et de consultation publique pour évaluer si un nouvel appel à candidatures doit être lancé pour attribuer ces quatre fréquences vacantes.
La loi de 1986 relative à la liberté de communication prévoit que les fréquences TNT – qui sont un bien public et en nombre limité – sont attribuées après une étude d’impact et une consultation publique, suivies d’un appel à candidatures. La loi prévoit que lorsqu’une fréquence de TNT est attribuée à l’issue de cette procédure, elle ne peut être reconduite au-delà d’une durée de 20 ans sans nouvel appel à candidatures, afin d’assurer la concurrence et le pluralisme.
C’est dans ce cadre, qu’après une étude d’impact et une consultation publique, l’Arcom a lancé un appel à candidatures le 28 février 2024. Le 24 juillet, elle a présélectionné, à titre de mesure préparatoire, quinze projets sur les vingt-cinq candidatures, dont dix chaînes gratuites et cinq payantes, avec qui elle a entamé la négociation de conventions, sans y inclure C8 et NRJ 12. Le 5 décembre, le groupe Canal+ a annoncé l’abandon des candidatures de ses quatre chaînes payantes qui figuraient parmi les chaînes présélectionnées. Les décisions de l’Arcom du 11 décembre 2024 retiennent finalement 11 candidatures, dont deux nouvelles chaînes, CMI TV (renommé depuis lors T 18) et OFTV, et rejettent les candidatures de C8 et NRJ 12.
C8 et NRJ 12 ont saisi le Conseil d’État pour annuler le rejet de leurs candidatures par l’Arcom.
L’Arcom n’a pas commis d’illégalité en écartant C8 et NRJ 12 au profit des autres candidats sur la base de son appréciation de chacun des dossiers et de la comparaison de leurs mérites respectifs
Le Conseil d’État estime que l’Arcom n’a pas commis d’illégalité dans l’appréciation qu’elle a faite des différents projets retenus par rapport à ceux qu’elle a écartés et dans l’application des critères posés par les articles 29 et 30-1 de la loi du 30 septembre 1986. Elle s’est prononcée, ainsi que la loi l’impose, sur l’ensemble des candidatures dont elle était saisie dans le but d’assurer sur la TNT une diversité de programmes et de contenus.
S’agissant de C8, qui bénéficie d’une part d’audience élevée sur la TNT, hors les chaînes historiques de la télévision hertzienne, et dont l’Arcom a relevé qu’elle propose un volume important de programmes inédits et en direct, mais que ces programmes sont peu diversifiés au regard d’offres plus variées et renouvelées de ses concurrents, le Conseil d’État estime que le régulateur était juridiquement fondé à prendre en compte les manquements réitérés commis par la chaîne au cours des dernières années à ses obligations légales et conventionnelles, notamment en matière de respect des droits de la personne, de protection des mineurs et de maîtrise de l’antenne. Ces manquements sont de nature à jeter un doute sur sa capacité à tenir ses engagements. Enfin, la chaîne n’ayant, depuis sa création il y a vingt ans, jamais atteint l’équilibre financier, le plan de croissance figurant dans son dossier de candidature contraste avec ses résultats et les perspectives d’évolution du marché publicitaire.
S’agissant de NRJ 12, l’Arcom a relevé que son projet prévoyait de consacrer la majeure partie du temps d’antenne à la diffusion de fictions audiovisuelles, pour beaucoup en rediffusion, et de divertissements, genres déjà très représentés sur la TNT, ainsi qu’au téléachat, auquel la chaîne consacre déjà plus de 1 000 heures par an. Par ailleurs, les engagements de diffusion de programmes inédits sont substantiellement inférieurs à ceux d’autres candidats. Enfin, les prévisions de croissance des recettes publicitaires de NRJ 12, qui n’a depuis sa création présenté un résultat net positif que pour un seul exercice, contrastent avec le déclin de ses parts d’audience, y compris auprès du jeune public qu’elle cible, et les perspectives d’évolution du marché publicitaire.
Le Conseil d’État juge également que l’Arcom n’a pas commis d’illégalité dans l’appréciation qu’elle a portée sur les mérites des candidatures de CMI TV, OFTV, TFX, TMC et W9, compte tenu des spécificités de chacun de ces projets, et sur la comparaison de l’ensemble des candidatures.
L’Arcom doit, sans délai, reprendre une procédure de consultation publique et d’étude d’impact afin de décider si les quatre fréquences libérées quelques jours avant sa décision doivent faire l’objet d’un nouvel appel à candidatures
Le Conseil d’État juge que l’Arcom doit, sans délai, reprendre une procédure de consultation publique et d’étude d’impact afin de décider si tout ou partie des fréquences libérées par le retrait des quatre chaînes payantes du groupe Canal+ doivent faire l’objet d’un nouvel appel à candidatures.
Il juge que l’Arcom a pu temporairement ne délivrer que onze autorisations, en laissant ainsi inchangé le nombre de chaînes gratuites, compte tenu des délais dans lesquels elle était tenue de prendre sa décision avant l’arrivée à échéance des autorisations actuelles. En effet, le retrait de quatre chaînes payantes, six jours avant sa délibération, ne permettait pas à l’Arcom d’apprécier à si brève échéance les conséquences économiques que pourrait emporter l’autorisation de chaînes gratuites supplémentaires pour l’équilibre du secteur ».
La réaction de l’Arcom :
« Le Conseil d’État a jugé, dans une décision publiée ce jour, que l’Arcom n’avait pas commis d’illégalité en ne retenant pas les projets de la société C8 et du groupe NRJ 12 dans le cadre de l’appel aux candidatures national sur la TNT, lancé le 28 février 2024.
L’Arcom prend acte de cette décision, qui valide le choix des projets effectué par le régulateur au regard des critères prévus par la loi du 30 septembre 1986, en particulier l’intérêt du public et le pluralisme des courants d'expression socio-culturels.
Le Conseil d’État a également invité le régulateur à lancer sans délai une nouvelle procédure d’étude d’impact et de consultation publique pour évaluer si un nouvel appel à candidatures doit être lancé afin d’attribuer les fréquences devenues vacantes, du fait du choix du Groupe Canal + de ne pas donner suite à la candidature de ses chaînes payantes qui avaient été présélectionnées au terme des auditions publiques organisées par l’Arcom en juillet dernier.
L’Autorité se conformera à la décision du Conseil d’État et procédera à une étude d’impact conformément à l’article 31 de la loi du 30 septembre 1986.
L’Arcom rappelle que les téléspectateurs pourront accéder à deux nouvelles offres, T18 et OFTV, sur la TNT à compter, respectivement, du 6 juin et du 1er septembre 2025. Les neuf chaînes déjà présentes sur la TNT, ayant obtenu le renouvellement de leur fréquence, continueront d’être accessibles ».
La réaction du groupe Canal + :
« Le groupe CANAL+ déplore vivement la décision du Conseil d’Etat de rejeter le recours de C8.
Cette décision, inédite dans l’histoire de la TNT, conduit à une éviction pure et simple de la chaîne C8, installée dans le paysage audiovisuel depuis près de 20 ans, se classant toujours première chaîne de la TNT et réunissant chaque jour plus de 9 millions de téléspectateurs cumulés.
Un écosystème tout entier se retrouve sacrifié au regard des enjeux économiques, sociaux et concurrentiels engendrés. Près de 400 collaborateurs et prestataires de C8 s’apprêtent à perdre leur emploi ou à le voir menacé.
Cette décision est d’autant plus incompréhensible que 4 fréquences, autrefois occupées par les chaînes payantes du groupe CANAL+, restent disponibles.
Le groupe CANAL+ est fier du travail et de l’engagement des collaborateurs et partenaires de C8 qui ont contribué à son succès, celui d’une chaîne incarnée qui a porté une multitude de formats, d’une chaîne ouverte et populaire qui a prouvé sa vivacité.
C8 remercie très chaleureusement son public de l’avoir accompagnée et soutenue tout au long de ces dernières années. Elle tient enfin à exprimer sa profonde gratitude envers l’ensemble de ses talents. Leur engagement et leur passion ont contribué à créer une chaîne unique qui a marqué et marquera le paysage audiovisuel français ».
La réaction de Cyril Hanouna :
Certains se réjouissent en disant, que Cyril Hanouna va disparaître ! Il y a quand même de sacrés crétins. Mais on risque de me voir encore plus qu'avant, j'ai encore plus de propositions qu'avant. Mon seul soucis c'est garder les mêmes équipes qu'aujourd'hui. Cette décision c'est zéro surprise, car on n'avait aucun espoir et on a anticipé.
On a bien sûr travaillé avec de nombreux groupes pour faire une autre émission, voire la même.
C'est une énorme supercherie cette décision, mais on joue le jeu bien sûr ! Mais ils ont voulu m'éliminer et on va me voir encore plus qu'avant à la télé et même encore plus à la radio !
La réaction du groupe NRJ :
« NRJ GROUP et NRJ 12, chaîne pionnière de la TNT, déplorent la décision du Conseil d’Etat qui rejette leur recours contre les décisions de l’ARCOM d’évincer la chaîne NRJ 12 de la TNT et de geler, en cours de procédure, les quatre fréquences pourtant rendues disponibles par le retrait des chaînes payantes du Groupe Canal +.
Cette décision va avoir un impact négatif sur l’activité du pôle Télévision du groupe NRJ. Un Conseil d’administration de NRJ GROUP se réunira le 27 février afin d’examiner les conséquences de cette décision et le plan d’action à mettre en place pour y répondre.
NRJ GROUP publiera le 27 février un communiqué financier et tiendra une conférence à destination des analystes et investisseurs afin de présenter les implications financières de cette décision.
NRJ GROUP et NRJ 12 restent pleinement mobilisées pour faire constater, au niveau européen, l’irrégularité des décisions prises à leur encontre et obtenir la réparation du préjudice important que celles-ci lui ont causé ».
La vie de C8
C8, chaîne de télévision française appartenant au groupe Canal+, a été lancée le 31 mars 2005 sous le nom de Direct 8 par le groupe Bolloré. Elle se voulait à l’origine une chaîne généraliste proposant des programmes variés, souvent en direct, et mettant en avant des thématiques comme la culture, le débat et le divertissement. Son modèle économique reposait sur une diffusion gratuite via la TNT, avec un financement principalement issu de la publicité.
En 2012, le groupe Canal+ rachète Direct 8 et la renomme D8 en octobre de la même année. La chaîne adopte alors une ligne éditoriale plus ambitieuse, cherchant à concurrencer les grandes chaînes gratuites comme TF1 et M6. De nouveaux programmes voient le jour, notamment des talk-shows, des magazines et des émissions de divertissement. C’est aussi à cette période que la chaîne mise fortement sur des figures emblématiques comme Cyril Hanouna, dont l’émission Touche Pas à Mon Poste ! (TPMP) devient rapidement un succès d’audience.
En septembre 2016, la chaîne change à nouveau de nom pour devenir C8, s’inscrivant ainsi dans une stratégie de rebranding du groupe Canal+. Elle accentue son positionnement sur le divertissement avec des talk-shows, des émissions de débats, des jeux et des séries. TPMP reste son programme phare, attirant une audience fidèle malgré certaines polémiques. C8 diffuse également des films, des documentaires et des émissions de télé-réalité, tout en cherchant à se démarquer par un ton souvent provocateur et décalé.
Toutefois, C8 a régulièrement fait face à des critiques et des sanctions de l'Arcom (ex-CSA) en raison de certaines polémiques liées à ses émissions. Malgré ces controverses, la chaîne a su conserver une place importante dans le paysage audiovisuel français, restant l’une des chaînes les plus regardées de la TNT. Cependant, avec la nouvelle numérotation prévue en 2025, elle disparaîtra de la TNT gratuite, marquant ainsi la fin d’un cycle pour cette chaîne qui aura marqué la télévision française pendant près de deux décennies.
La vie de NRJ12
NRJ12, chaîne de télévision généraliste française appartenant au groupe NRJ, a été lancée le 31 mars 2005 avec l'avènement de la Télévision Numérique Terrestre (TNT) en France. Ce projet, initialement nommé "NRJ TV", était en gestation depuis longtemps au sein du groupe NRJ, qui souhaitait étendre sa présence médiatique au-delà de la radio. À ses débuts, NRJ12 proposait une programmation variée, incluant des émissions musicales, des séries télévisées et des animés, reflétant l'esprit jeune et dynamique de la marque NRJ.
À partir de 2007, la chaîne a progressivement modifié sa grille de programmes, délaissant les dessins animés et réduisant les émissions musicales au profit de magazines et de télé-réalité. Des émissions comme "Tellement Vrai" ou des franchises de télé-réalité telles que "Les Anges" ont contribué à attirer un public jeune, consolidant ainsi l'identité de NRJ12 dans le paysage audiovisuel français. Cette orientation vers des contenus de divertissement a permis à la chaîne de se différencier et de fidéliser une audience spécifique.
En 2015, NRJ12 a tenté de se repositionner en tant que chaîne plus généraliste, en renouvelant une partie de ses animateurs et en introduisant de nouveaux programmes. Cependant, cette stratégie n'a pas rencontré le succès escompté, conduisant la direction à réintégrer certaines émissions phares pour maintenir son audience. Malgré ces ajustements, la chaîne a continué à faire face à des défis en termes d'audience et de rentabilité, notamment en raison d'une programmation souvent composée de rediffusions.
En juillet 2024, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a décidé de ne pas renouveler la licence de diffusion de NRJ12 sur la TNT, invoquant des audiences insuffisantes et une viabilité économique incertaine. Malgré les recours juridiques entrepris par la chaîne, le Conseil d'État a confirmé cette décision en février 2025. Ainsi, NRJ12 cessera sa diffusion sur la TNT le 28 février 2025, marquant la fin d'une présence de deux décennies sur le petit écran français.